Issue de la fossilisation de l’aragonite, CaCO3 , contenue dans la nacre des restes de coquilles d’ammonites, cette gemme ornementale très rare, au fond sombre et parsemée en son dessus de couleurs vives et mouvantes, évoque dans ses motifs la peau d’un dragon ou les vitraux d’une église.
Par Anaëlle Cadario, gemmologue et enseignante à l’ING.
L’ammolite est un biominéral fossile
Les ammonites (Placenticeras) étaient des mollusques marins prolifiques, reconnaissables à leurs coquilles en spirale. Cette espèce s’est éteinte en même temps que les dinosaures il y a 66 millions d’années, suite à la chute d’une météorite de quinze kilomètres de diamètre sur le Mexique. La déflagration, équivalente à 21 milliards de fois celle d’Hiroshima, causa l’extinction de près de 75 % des êtres vivants. En mourant, les coquilles d’ammonites coulèrent par centaines de millions au fond des océans.
Alors, pourquoi l’ammolite ne se trouve -t-elle qu’au Canada ?
Partout dans le monde les coquilles ont été recouvertes d’argile et ont subi des enfouissements à des températures supérieures à 400 °C ; l’aragonite qui les composait s’est transformée en calcite. La Western Interior Seaway était une immense mer qui reliait la mer Arctique à l’actuel golfe du Mexique. À l’ouest, les montagnes Rocheuses en formation libéraient des cendres volcaniques imperméables à l’air — actuel Bearpaw — qui, en retombant dans la mer formèrent un limon qui recouvrit les ammonites. La tectonique des plaques a poussé l’ensemble pendant des millions d’années vers les montagnes Rocheuses sans dépasser les 400 °C, l’aragonite a subsisté.
La lumière interfère avec les fines couches d’aragonite — 0,5 à 0,8 mm — provoquant le jeu de couleurs de l’ammolite. Les couches les plus fines donnent du bleu ; elles sont rares car très fragiles. Les plus épaisses offrent du rouge et du vert. Tendre (3,5 de dureté), l’ammolite est résinée afin de la conserver. Son prix est, de fait, défini selon des critères esthétiques : jeu de couleurs et motif des craquelures — dus à la pression océanique exercée sur les coquilles.
C’est une gemme méconnue mais reconnue. Révélée au monde en 1906 par la commission géologique du Canada, portée au rang de gemme par la CIBJO en 1981, l’ammolite devient en 2004 la gemme officielle de la province d’Alberta et déclarée « trésor national ». Le gouvernement canadien s’implique : recensement des spécimens, soutien aux exploitants, réglementation des exploitations — deux actuellement mais devraient passer à huit pour satisfaire la demande — et réhabilitation des sites exploitables au printemps et en été.
Plus qu’un trésor national, l’ammolite est considérée comme une gemme de génération en raison de sa rareté — récolte d’une tasse de qualité par jour, son mode de formation unique et la rapidité d’épuisement.
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Par Le Bijoutier International Magazine – N° 888
