« L’INDUSTRIE EST EN PLEINE MUTATION. ON CONSTATE UNE PROFONDE TRANSFORMATION SURTOUT DANS LE MODE DE DISTRIBUTION DU HAUT DE GAMME. »
Fort de ses savoir-faire et de son indépendance, Breitling vient d’ouvrir un pop-up géant sur la plus belle avenue du monde. Une occasion idéale pour son directeur Europe du sud de revenir sur la stratégie de la marque.

Le Bijoutier International Magazine : Pouvez-vous nous donner une photographie de Breitling en 2024 ?
Edouard d’Arbaumont : La marque existe depuis 1884. Trois grandes phases composent son histoire. Jusqu’à la fin des années 1970, Breitling a été dirigée par la famille éponyme. La famille Schneider a pris la relève avec brio jusqu’en 2017, année durant laquelle le fonds d’investissement européen, CVC Capital Partners a réalisé l’acquisition de 80 % du capital et positionné à sa tête Georges Kern. Breitling, c’est une histoire extraordinaire avec un taux de notoriété gigantesque. Nous occupons aujourd’hui une place de choix dans le Top 10 de l’industrie horlogère avec des modèles mythiques.
Le Bijoutier International Magazine : Comment la marque a su gagner des parts de marché dans un environnement hautement concurrentiel ?
Edouard d’Arbaumont : Nous sommes dans l’industrie du luxe. Le plus important, c’est la marque. L’équipe a bénéficié de la notoriété déjà existante. Tout le monde connaît Breitling grâce à son histoire. Toutefois, nous avons créé un nouvel élan poussé par un rare niveau de dynamisme aussi bien dans le marketing que les développements du réseau de distribution, les partenariats. Nous sortons d’une période faste pour l’horlogerie. Fort de ses atouts, Breitling en a profité.
Le Bijoutier International Magazine : Quelle est la production actuelle de la marque ? Parmi les neuf collections disponibles, l’une d’entre elles se distingue-t-elle ?
Edouard d’Arbaumont : 100 % des calibres de nos montres sont certifiés chronomètres par le COSC. Cette certification délivre aussi de la transparence à notre production, car l’organisme communique des chiffres officiels. Plus de 200000 montres sortent ainsi de nos deux manufactures. Nous nous sommes aperçus que la demande se mondialise. Nous avons constaté moins de spécificité par marché. Toutefois, en France, la Navitimer demeure le modèle le plus convoité. C’est certaine ment avec quelques références de la concurrence l’un des produits les plus reconnus de l’industrie horlogère.

Le Bijoutier International Magazine : Qu’apportent les collaborations à la marque ?
Edouard d’Arbaumont : Les collaborations sont de véritables accélérateurs pour toucher de nouvelles clientèles. Nous y arrivons grâce à nos partenariats tels que Triumph ou Deus. Nous parvenons à sensibiliser des gens proches de notre univers. Toutefois, il faut que ces collaborations aient un sens. Triumph se définit comme « modern classic », Breitling comme « moderne rétro ». Les deux entreprises partagent la même philosophie. Les Squad renforcent aussi notre légitimité. Un ambassadeur triathlète apporte de l’impact. Trois triathlètes multiplient par 10 l’incidence auprès des clients potentiels.



Le Bijoutier International Magazine : Quel est l’investissement de Breitling en matière de développement durable ?
Edouard d’Arbaumont : Cet investissement fait partie de notre philosophie et de notre déontologie. Nous sommes engagés à faire de notre mieux pour optimiser l’impact social et environnemental de nos activités dans notre sphère d’influence. Nous créons une richesse partagée avec les communautés avec lesquelles nous travaillons. Aux côtés de nos partenaires Swiss Better Gold Association, Qhubeka, Solar Impulse Foundation, Surfrider Foundation et SUGi, nous soutenons l’inclusion sociale et la régénération de l’environnement. Les montres labellisées Origins de Breitling, fabriquées avec un meilleur or et de meilleurs diamants, sont le fruit de ce travail. Leur or artisanal et à petite échelle et leurs diamants synthétiques sont entièrement traçables, jusqu’aux producteurs sélectionnés au cas par cas par nos soins pour leur engagement envers leurs employés, leurs communautés locales et l’environnement. Nous constituons un réseau d’influence auprès de nos clients. Ils sont influencés par notre implication.
Le Bijoutier International Magazine : Pourquoi avoir ouvert un pop-up géant sur les Champs-Élysées ? Les Jeux olympiques ?
Edouard d’Arbaumont : À l’origine, nous voulions venir sur les Champs-Élysées. L’avenue est devenue l’un des trois meilleurs sites dans le monde pour le shopping de luxe. Breitling possède la légitimité de s’y installer. Nous avons également l’assise nécessaire. Nous avons acquis un espace au 78 de l’avenue de près de 300 m², mais nous nous sommes rendu compte que son ouverture serait impossible pour les Jeux olympiques. Au 76, une opportunité nous a permis d’y installer un pop-up de 400 m² de manière temporaire. Il s’agit de la plus grande boutique horlogère de Paris. Nous avons repris le même concept que pour nos dernières boutiques avec des espaces variés. On y trouve, entre autres, un bar, des motos, un horloger, un espace dédié à la vente… Cette surface nous donne aussi la possibilité de présenter nos univers avec nos partenariats.


Le Bijoutier International Magazine : Les boutiques Breitling vont-elles remplacer les distributeurs multimarques ?
Edouard d’Arbaumont : Aujourd’hui, nous avons 17 boutiques en France. Dans l’industrie horlogère, les premiers espaces de vente monomarque sont arrivés il y a moins de 20 ans. Désormais, 60 à 70 % de notre chiffre d’affaires est réalisé dans nos boutiques. Cependant, la présence de nos partenaires multimarques demeure indispensable dans des villes moyennes comme Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Nantes ou Rennes, où nous n’avons pas, pour l’instant, l’intérêt de nous y installer. Il est donc primordial de rester fidèles à nos revendeurs. C’est déontologique. L’industrie est en pleine mutation. On constate une profonde transformation surtout dans le mode de distribution du haut de gamme. De nombreuses marques vont disparaître des détaillants.

Le Bijoutier International Magazine : Que représente aujourd’hui le commerce en ligne ?
Edouard d’Arbaumont : La vente en ligne forme le troisième pilier de notre distribution. En France, sur un an, elle représente un petit pourcentage équivalent au chiffre d’affaires réalisé par la troisième boutique de Breitling. La plupart des gens veulent profiter de l’expérience client transmise en boutique. Il y a toujours le facteur émotionnel lors de l’acquisition d’une montre. Nos clients achètent de l’entrée de gamme sur le site, souvent pour un cadeau, un service à apporter où il n’y a pas la nécessité de faire la rencontre avec l’objet. Aussi, la majorité de nos clients ont passé du temps sur notre site Web avant de se rendre en boutique. Le site fait partie désormais de l’expérience client. Il est possible de préparer son rendez-vous en sélectionnant les montres que vous désirez voir. Elles seront disponibles à l’arrivée du client.
Le Bijoutier International Magazine : Quels sont les axes de développement pour l’avenir ?
Edouard d’Arbaumont : Le business du luxe rencontre des difficultés. L’industrie est en pleine transition. On ne surfe plus sur les croissances d’hier. Nous ne sommes qu’aux prémices du développement de nos boutiques. Seulement 10 à 20 % de nos clients ont pris conscience des évolutions réalisées depuis cinq ans chez Breitling. Il faut poursuivre et prêcher la bonne parole. Nous allons aussi développer notre univers féminin avec des modèles iconiques revisités. En revanche, nous n’irons pas sur le marché des montres connectées. Ce serait une erreur, car nous ne serons jamais le meilleur. Nous n’avons pas non plus vocation à produire des montres obsolètes au bout de deux ans. Nos montres produites aujourd’hui seront toujours en état de fonctionner dans cent ans !
Par Le Bijoutier International Magazine